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LE CRIN VÉGÉTAL

pelotte de crin végétalpelotte de crin végétalpelotte de crin végétal





Question???


Dés le début de mon activité, je me suis souvent demandée d'où provenait le crin végétal.
Chaque fois que j'ai posé la question à mes professeurs, à mes maîtres de stages, et même aux tapissiers chez qui j'ai travaillé et appris mon métier, la réponse fut vague, voire inexistante.

Après une enquête minutieuse, il apparait que les matières premières pour la réfection de sièges de style sont du crin végétal (feuille de palmier nain), de l'elancrin (fibre de noix de coco), du crin animal (crin de cheval).

Pour ma part je ne vais m'intéresser qu'au crin végétal issu du palmier nain : Chamaerops humilis.

Dans une première partie je vous fait part de ma petite enquête sur le crin végétal,
puis dans une seconde partie je retranscrit l'histoire du crin végétal de monsieur Jean DARLEY.

Suite à une visite sur cette page, monsieur Jean DARLEY, m'a proposé d'apporter son témoignage sur son activité au Maroc. C'est avec plaisir que je le retranscrit ici. Avec son autorisation je publie aussi les photos qu'il m'a confiées et qui sont de sa collection particulière. Elles ont été prises entre 1960 et 1965.
Je le remercie pour sa contribution, qui confirme et précise les résultats de mon enquête.

 

Chamaerops humilis


Noms communs : Palmier nain, Palmier de Méditerranée, Doum (chez les arabes).

chamaerops humilis

Le Chamaerops humilis ne présente souvent qu'une courte partie aérienne à l'état sauvage, d'où son nom. En culture, ce magnifique palmier ornemental peut atteindre 8 mètres de hauteur avec plusieurs stipes inclinés et la beauté des spécimens âgés est absolument renversante. Les pépiniéristes du monde entier ne s'y sont pas trompés et le Chamaerops humilis est aujourd'hui l'un des palmiers les plus cultivés.
 Il est très rustique au froid, à la sécheresse et, fait non négligeable sur la façade atlantique , très résistant aux embruns.
Il peut survivre à des températures de - 12°C, où les feuilles peuvent être atteintes mais rarement le cœur. La plante sort normalement une nouvelle couronne de palmes après de tels froids, et même si la partie centrale de la plante est détruite, des rejets apparaîtront normalement au printemps suivant. Le Chamaerops humilis est donc pratiquement indestructible.

Résistance au froid :-12°C

Habitat :

 Sud de l'Europe (Italie, Sardaigne, Espagne), Algérie et Nord de l'Afrique (Maroc). Il semble également avoir été rencontré à l'état sauvage sur l'île de Malte. Chamaerops humilis  est l'une des deux seules espèces de palmiers natifs  d'Europe, avec Phœnix theophrastii. Il pousse dans des zones sèches, sur des terrains rocailleux ou sableux, du bord de mer jusqu'à 1200 mètres d'altitude, dans un climat plutôt froid en hiver. Certaines populations naturelles sont régulièrement couvertes de neige.

Utilité :

 Les segments des palmes séchées servent au tissage de paniers et chapeaux en Sardaigne. On fabrique également des balais et des brosses avec ces fibres. Au Maroc, on consomme le chou palmiste de la variété montagnarde.

Stipe :

 (Le stipe est en fait le tronc du palmier) Le stipe est recouvert de plusieurs couches de fibres marron entrelacées et des bases des anciens pétioles qui persistent plusieurs années après la chute des feuilles avant de se décomposer et de laisser apparaître un stipe annelé, relativement fin, de couleur gris marron.

Couronne :

 De 30 à 50 feuilles  palmées, de largeur très variable suivant les variétés (40 cm chez Chamaerops humilis var. cerifera, jusqu'à 70 cm chez les variétés à larges feuilles),de couleur vert clair sur le dessus et souvent laineuses dessous (fibres blanchâtres). Elles sont parfois presque bleues (Chamaerops humilis var. cerifera). L'extrémité des segments est divisée en deux parties. Le pétiole vert, de 50cm à plus d'un mètre  de longueur, est couvert sur sa partie inférieure de fibres laineuses  blanchâtres et muni de terribles épines jaune-marron sur les côtés.
fleur de chamaerops humilis

Floraison :

 Les Chamaerops humilis sont habituellement dïoiques, il existe donc des plantes mâles et des plantes femelles. Les inflorescences émergent tous les ans entre les feuilles  (interfoliaire). Elles sont très courtes, peu ramifiées et portent parfois des fleurs bisexuées. Les fleurs peu nombreuses sont d'un beau jaune vif. Les sujets femelles produisent une grande quantité de fruits ovoïdes  de couleur orange foncé à rouge, contenant chacun une, parfois deux graines ovoïdes marron. La pulpe des fruits a une très mauvaise odeur.

Multiplication :

 Les graines fraîches germent rapidement, parfois quelques semaines après le semis, le plus souvent 2 à 3 mois plus tard. Les jeunes plantes se développent assez lentement les cinq premières années puis la croissance s'accélère grandement (comme pour la plupart des palmiers) compte tenu bien sûr de la taille finale de l'espèce.
fructification de chamaerops humilis




pelotte de crin végétal    HISTOIRE DU CRIN VÉGÉTAL     pelotte de crin végétal

d'après mon enquète.


« Un jour,après un déjeuner en famille sur l’herbe, et à la faveur d’une sieste générale, un agriculteur eut, par curiosité, l’idée de voir comment était faite une feuille de doum, palme du palmier nain qu’il avait à portée de main. Avec une épingle à cheveux qu’il retira de sa femme endormie, il effilocha cette feuille et se rendit compte qu’elle était faite de longues fibres unies l’une à l’autre par de la chlorophylle. L’idée de la fibre végétale était née. »



 La toute nouvelle industrie automobile commençait à se développer, et le rembourrage des sièges de voitures était à prévoir. François Péraldi, qui était membre de la Chambre d’Agriculture, de Commerce et d’Industrie de Mazagan, flaira le bon filon, et eut l’idée de l’exploiter. Cela donna naissance à l’Industrie de Crin Végétal au Maroc. Il installa une première usine à la sortie de Mazagan, sur la route de Marrakech, et une autre dans sa ferme située à Aïn Talmest, pas très loin de l’Oum er Rbia, en direction de Settat, à une cinquantaine de kilomètres de l’El Jadida d’aujourd’hui tandis que son frère implanta la sienne à Sidi Smaïn, près de Sidi Bennour. Le développement de cette activité pouvait commencer.

Il faut savoir que jusque dans les années 1840, les fauteuils étaient rembourrés à l'aide de crin animal, tiré de la crinière et de la queue des chevaux, et les matelas avec de la laine, ce qui les rendait très onéreux.

Le ramassage


« En premier lieu il a fallu former les personnes au ramassage et au conditionnement des palmes naturelles afin de faciliter le travail en machines. Il fallait faire des petits fagots d’environ 15 cm de diamètre, palmes toutes rangées dans le même sens. Ces fagots, joints deux par deux, étaient ensuite assemblés en ballots bien solides, réguliers, et d’un poids facilement transportable. 20 à 30 kg. Ces ballots étaient ensuite livrés chaque jour, à dos d’ânes ou de chameaux. Afin de permettre aux douars éloignés de l’usine d’avoir un certain revenu, une bascule était mise à leur disposition sous la responsabilité d’une personne résidente qui pesait et payait les achats de palmiers, acheminés ensuite à l’usine par camion. Ces ramassage et livraisons de palmier permettaient à environ 150/200 familles de percevoir un revenu non négligeable »

L’effilochage


Les ballots arrivés à destination étaient entreposés dans un hangar à l’entrée de l’usine, avant de subir les différentes manipulations qui allaient aboutir au crin, à la ficelle et à la corde.

Mais pour cela, il fallait d’abord passer les palmes à la machine à effilochage : Cette machine était constituée d’une table de 50 cm de large, sur 6m de long et sur laquelle étaient fixées 5 grandes pinces pivotant sur un axe, permettant à 5 hommes de travailler. Cette table faisait partie intégrante sur toute sa longueur d’un coffre fermé dans lequel un arbre en acier, monté sur roulement à billes tournant à plus de 1000 tours/minute entraînait 5 tambours , hérissés d’alênes extrêmement pointues et affûtées. « C’était un véritable travail de spécialiste, qui nécessitait la plus grande vigilance, car à la moindre distraction, c’était l’accident grave. » Cette machine, avec ses 5 employés, produisait environ une tonne de fibre par jour.

Après de très nombreuses années de recherches infructueuses par des ingénieurs qualifiés, cette effilocheuse plus que sommaire fut remplacée , après le Seconde Guerre mondiale, par une énorme machine dont le principe de fonctionnement était le même, mais la sécurité pour les employés renforcée. Le rendement journalier de cette machine passait de 1 à 6 tonnes.

Derrière l’effilocheuse, se trouvait une machine moins volumineuse, la cardeuse qui était alimentée par les rejets de l’effilocheuse. La fonction de cette cardeuse était d’aérer les fibres et de finir de les nettoyer de ses éventuels déchets.

Le filage


Les femmes étendaient ensuite cette filasse sur une aire, la secouaient, pour l’aérer et la sécher avant de la rentrer dans l’atelier de filature. Car le produit obtenu était rêche et certains clients exigeaient un matériau souple avec une certaine élasticité. Par mesure de sécurité, cet atelier était séparé de la fabrication de la fibre afin d’éviter tout risque d’incendie, car la filasse était très sèche. C’était un hangar de 20m de large sur 60 m de long, avec des fileuses où des poulies s’enchevêtraient dans un savant jeu technique et d’où sortaient, après diverses manipulations, des cordes que l’on mettait en balles de 50 Kg pour être livrées à la Coopérative qui se chargeait de la commercialisation et de l’exportation. C’est ainsi que pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’armée française s’équipa de filets de camouflage tissés en crin. La dernière usine fut construite par les Péradldi à Matmata, entre Fès et Taza, en 1953. Six mois plus tard, elle fut détruite par un incendie. Ce fut certainement la dernière usine de crin végétal qui ait été construite au Maroc.

Et maintenant ?


Apparurent ensuite les fibres et les mousses synthétiques, fabriquées à partir des dérivés du pétrole. Le crin végétal périclita. Ainsi disparut une industrie qui participa grandement à la richesse du Royaume… Pourtant, un regain d’intérêt pour les produits naturels se fait de plus en plus sentir ; le crin végétal est aujourd’hui en vogue dans le monde entier, et particulièrement dans les pays européens. Au vu des nouveaux débouchés, on peut s’attendre à un développement de cette industrie textile. Peut-être y aurait-il une réflexion à mener pour savoir si la relance de la culture du palmier nain ne pourrait pas contribuer à augmenter les revenus du monde rural, et s’il n’y a pas lieu d’implanter dans la zone industrielle d’El Jadida, une usine de crin végétal d’où sortiraient des produits nouveaux, dans un monde moderne de plus en plus friand de produits naturels.

pelotte de crin végétalpelotte de crin végétalpelotte de crin végétal
  Pierre Averseng  né en 1810 à Caraman (haute garonne) était tapissier quand il vint pour la première fois en Algérie en 1842.
C'est à l'occasion d'une promenade qu'il découvrit les propriétés des feuilles du palmier nain.
Il créa sa première usine à Toulouse, suite à l'incendie de celle-ci, il s'installa en Algérie.
pierre averseng
 Gaston Averseng petit fils de Pierre reprit à 15 ans le flambeau de l'activité familiale, du fait du décès de son père.  Sous sa direction l'entreprise va quintuplée sa production, et le crin Averseng va s'imposer dans le monde entier.
Elu maire d'El Affroun, il transforma l'infirmerie Saint Vincent de Paul en hôpital, créa une société d'HBM pour y loger plus de 120 familles. Il fera bâtir également une élégante mosquée au centre du village.
gaston averseng
Village d'El Affroun.
village d'el affroun
Le palmier nain  (chamaerops humilis)

"Doum" des arabes, croit spontanément tout autour du bassin méditerranéen.Sorte de buisson ramifié, aux souches parfois centenaires en Afrique du nord, il se constitue en fourrés bas et impénétrables.
chamaerops humilis (doum)
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HISTOIRE DU CRIN VÉGÉTAL

d'après monsieur Jean DARLEY

Les photos ont été prises entre 1960 et 1965.


La production de crin végétal aurait débuté fin des années 1800 ou début 1900 en Algérie.
Les premières fabrications étaient artisanales. Des petits paquets de palme de palmier nain (doum)
tenus pas des pinces étaient peignés par un tambour muni de nombreuse pointes (alênes).
Ces paquets de palme devaient être retournés afin que toutes les fibres soient bien séparées.
Cette fabrication était peu productive.
Aussi vers les années 1920/30 une machine permettant une production en continu a été mise au point en Algérie. Cette machine appelée "peigneuse Albisson" pouvait traiter 8 à 10 tonnes de doum par jour soit après séchage
4 à 5 tonnes de fibre appelée "filasse".

  Approvisionnement en doum.


A l'origine les usines avaient été installées près des zones sur lesquelles le palmier nain était abondant.
Cela permettait d'approvisionner l'usine à l'aide de tacherons qui allaient dans un rayon de 10 Km environ autour
de l'usine pour couper les palmes de doum à l'aide d'une faucille. Dans la matinée ces "coupeurs de doum" récoltaient entre 100 et 200 Kg qui étaient soigneusement placés dans un filet qu'un âne portait jusqu'à l'usine.
Dans les plaines où le doum était abondant les champs cultivés par les marocains était labourés en évitant les touffes de doum. Cela a permis de préserver la ressource.
Mais la colonisation, avec les labours mécanisés a nettoyé tous les champs des doum et épineux.
Il a donc été nécessaire d'aller plus loin chercher le doum nécessaire à l'approvisionnement des usines.
Ainsi dans notre usine située à Aïn Taoujdate, sur environ 10 tonnes de doum traitées chaque jour,
 environ 30 % était apporté par 30 à 40 coupeurs de doum et les 70 % restant acheminé par camion.
A environ 30 à 50 Km autour de l'usine, des postes de collecte de doum était installés dans des zones où le doum était encore abondant.
Le doum ainsi stocké à l'usine devait être traité rapidement c'est à dire dans les 2 à 3 jours après la coupe.
En effet les palmes de doum trop sèches ne permettait pas de produire une bonne qualité de filasse.

 Peignage

La peigneuse Albisson était une grosse machine de 5/6 mètres de longueur. Les palmes de doum, toutes rangées dans le même sens, étaient poussées et pincées entre deux chaines.
Ces chaines se déplacent latéralement devant 4 gros tambours munis de pointes en acier trempé.
Deux tambours tournent dans un sens et les deux suivants en sens inverse.
Au milieu de la peigneuse deux autres chaines, décalées par rapport au premières prennent le relai afin de défibrer les parties de palme pincées par les premières chaines.
Les fibres passent devant deux nouveaux tambours afin de compléter le défibrage.
Les chaines s'écartent ensuite et les fibres sont éjectées par un dernier tambour.
Sous les tambours des morceaux de palme, soit mal tenus par les chaines soit de trop petite dimension étaient récupérés. Ces fibres étaient travaillées à nouveau par un passage dans un ou deux tambours alimentés manuellement.
 Ces "déchets" étaient ensuite mélangés à la fibre pure. La quantité de déchets ainsi mélangés déterminait la qualité du crin végétal fabriqué.


peignage du crin végétal

peignage du crin végétal
Peignage

 Diverses qualité de crin végétal.

A l'exportation 6 qualités étaient homologuées : Extra, Supérieur 1, Supérieur 2, Mixte, Médio, Spécial.
L'Extra étant réalisé avec un doum de très belle qualité, en fibre pure très longue de 25 à 30 cm mise en cordes fines 800 gr. Cette qualité était réservée à une clientèle de tapissiers haut de gamme.
Les tonnages produits dans cette qualité étaient très faibles.
Le Supérieur 1 & 2 était uniquement de la fibre pure. Toujours pour le marché de la tapisserie.
Le Mixte et le Medio étaient produit à partir de la fibre brute mélangée à une quantité plus ou moins importante de fibre courte plus ou moins peignée mis en cordes de 1200 gr.
Ces deux qualités représentaient le gros des tonnages produits et étaient utilisées dans l'industrie du matelas.
Le Spécial mélange de déchets et d'une faible partie de fibre pure était exporté dans les pays de l'est, plus sensibles au prix qu'à la qualité.
L'approvisionnement et le fonctionnement de la peigneuse Albisson nécessitait une douzaine d'ouvriers dont moitié de femmes.

 Séchage et filage.

Après le peignage la "filasse" était mise au séchage sur une aire de grande surface. Une dizaine d'ouvrières étaient chargées d'étendre la filasse en faible épaisseur, de la retourner et de la transporter ensuite dans l'atelier de filage.
En été environ 4/5 heures suffisaient pour obtenir un séchage suffisant. En hiver le séchage était plus difficile à obtenir et en période de pluie l'usine était arrêtée.
La filasse était donc stockée dans un autre atelier pour être filée. Les cordes étaient faites manuellement par un fileur aidé de 3 enfants âgés de 8 à 12/13 ans. Le plus petit étant chargé d'aérer la filasse et de la dépoussiérer
le second d'actionner la fileuse et le troisième de faire la sur-torsion et de ranger les cordes en paquets de 10.
Le fileur reculait de 12 mètres pour filer la corde et revenait à son point de départ.
Un bon spécialiste filait 800 à 1000 cordes soit 19 à 24 Km par jour de travail dont une moitié a reculons.
En fonction de la production de chaque usine il fallait entre 6 et 10 fileurs soit avec les 3 enfants par fileur de 18 à 30 employés.

filage du crin végétal
Filage

sèchage du crin végétal
Sèchage

 Emballage.

Les paquets de cordes sont alors transportés à l'atelier d'emballage, situé à part pour parer au risque d'incendie. Une presse permettait de faire des balles de 80 Kg qui étaient le standard à l'exportation.
Dans notre usine l'atelier de pressage était aussi équipé d'une station de cardage:les cordes bien
séchées préalablement étaient défibrées par une rotation inverse au sens de filage et la fibre était pressée
 en balles de 5OKg.
Cette production en "cardé" était destinée à la clientèle étrangère de tapissiers qui pouvaient ainsi utiliser directement le crin végétal.

emballage du crin végétal
Emballage

 Production et commercialisation.

La production de crin végétal qui avait débuté au début des années 1900 en Algérie s'est beaucoup développée au Maroc vers les années 30, le doum étant très abondant dans toutes les plaines et sur les contreforts de l'Atlas.
Avant la fin de la guerre de 39/45 la production a été stimulée par des commandes de l'armée : il fallait livrer des tapis pour permettre aux engins blindés et aux véhicules de débarquer sur les plages sans s'ensabler.
Ces tapis étaient fait en petites cordelettes de filasse tressées.
Après la guerre l'industrie du crin végétal s'est développée considérablement au Maroc. On a compté jusqu'à 150 usines pour une production annuelle de 100/120.000 tonnes.
Les ventes se répartissaient comme suit :
1 - Marché local. Les marocains équipent leur pièce principale de banquettes installées le long des murs. Ces banquettes sont recouvertes de coussins qui sont bourrés de filasse (fibre brute de doum).
Je n'ai jamais eu connaissance du tonnage annuel consommé par ce marché local mais il devait être de plusieurs milliers de tonnes.
2 - Exportation. Les principaux pays acheteurs étaient l'Allemagne, la France, la Hollande, tous les autres pays d'Europe mais aussi de nombreux autres pays. Les pays de l'est, sous le régime communiste étaient aussi des acheteurs importants.
Le crin végétal était surtout utilisé dans l'industrie du matelas à ressort. La fibre était nappée sur une toile de jute, placée sur la carcasse de ressort.
La fibre de crin végétal ayant une résistance à l'usure tout à fait remarquable, le nappage en crin garantissait la longévité des matelas.
Toutefois l'utilisation du crin végétal par les usines de matelas n'était pas facile. Des ouvriers devaient
approvisionner la napeuse en permanence, chaque balle de 80 Kg contenant environ 70 cordes qu'il fallait ouvrir avant de la placer sur la cardeuse.
Des recherches ont été menées pour livrer des balles confectionnées d'une seule corde mais sans succès.
Peu à peu le crin végétal a été remplacé dans les matelas par des feutres issus de fibres de récupération qui ont été plus facile d'emploi.
Jusque dans les année 70/80 beaucoup de matelas pour enfant étaient remplis uniquement de crin végétal qui était considéré comme sain et naturel.
Le crin végétal était aussi utilisé par les tapissiers pour confectionner ou rénover des fauteuils. En général cette clientèle recevait le crin végétal en "cardé", prêt à l'emploi.
Les prix à l'export étaient très fluctuants. Ils dépendaient de la demande des clients étrangers et aussi de la production : les années pluvieuses, les tonnages produits étaient faibles.
Quand les prix étaient élevés de nouvelles usines étaient crées et très rapidement la surproduction faisait chuter
les prix.
Aussi dans les années 1960 un organisme régulateur "UNIMACRIN" a été créé.
Son objectif était de contrôler la production pour l'adapter aux tonnages exportés et de stocker les excédents temporaires. Chaque usine avait donc un tonnage mensuel de fabrication autorisé valable à l'export.
Ce système de quota a permis pendant quelques années de stabiliser les prix. Toutefois les quotas, identiques pour chaque unité de production a favorisé celles qui produisaient des qualités ordinaires (médio et spécial) au détriment
de celles qui produisaient des qualités plus fines (supérieur et mixte);
Tout ceci ajouté à la baisse de la demande de crin végétal à l'exportation a conduit l'industrie du crin végétal à un lent déclin.
Actuellement les tonnages exportés par le Maroc dans le monde sont très faibles et le nombre d'unité de production n activité ne doit pas être supérieur à 20 usines.      

pelotte de crin végétal  Présentation de monsieur Jean DARLEY    pelotte de crin végétal

Je me présente : Jean DARLEY né au Maroc à Meknès.
Mon père a travaillé dans une usine de crin végétal qui appartenait à un Suisse en 1938.
Au retour de la guerre il a repris l'exploitation de l'usine puis l'a achetée.
Cette usine était située à Aïn-Taoujdate, petit village entre Meknès et Fès.

En 1960 mon père m'en a confié la gestion.

En 1966 j'ai repris l'affaire d'importation de mon principal client en France et je me suis installé à Marseille.

En 1969 j'ai crée "France-Crin", groupement d'intérêt économique qui regroupait presque tous les importateurs français afin de contrôler 95 % du marché français soit environ 8.000 tonnes.

France-crin a ainsi permis de préserver la consommation de crin végétal en France. Par exemple le groupe Epeda avec les marques de matelas Epeda et Merinos achetait chaque mois à France-crin environ 250 tonnes.

A partir des années 1980 les tonnages importés par la France ont beaucoup baissés car les fabricants de matelas ont utilisés les feutres au détriment du crin végétal.

J'ai arrêté mon activité en 1992.


pelotte de crin végétal


J'adresse encore ici tous mes remerciements à monsieur Jean DARLEY
pour sa contribution.